Le CHUV se dote d’une Charte qui vise à revaloriser les compétences relationnelles et le savoir-être de son personnel, inscrivant dans son ADN un changement profond.
Découvrez ci-dessous l'éditorial du Prof. Pierre-François Leyvraz, directeur général du CHUV, lors du lancement de la Charte.
Tomber malade, surtout s’il s’agit d’une affection grave nécessitant une hospitalisation, constitue un traumatisme majeur pour chacun d’entre nous. Notre vie « d’avant » est remise en question. Centré sur notre propre état, l’incertitude de l’avenir et la peur de la souffrance, tout cela nous fragilise et nous confronte à l’idée de notre finitude. Personne n’en sort indemne.
C’est dans cet état d’esprit, avec appréhension mais aussi plein d’espoir, que nous entrons à l’hôpital. Pour tous les collaborateurs qui y travaillent chaque jour, il s’agit d’un lieu familier, dont ils connaissent bien le fonctionnement, les procédures, voire les rites. Il n’en est rien pour le malade. L’environnement, ses interlocuteurs, les installations techniques et jusqu’aux odeurs, tout est inconnu. Ce monde clos, un peu mystérieux voire inquiétant, ne peut qu’alimenter son appréhension et son sentiment de dépendance. Nous, dont la mission est d’accueillir ces personnes qui ont besoin d’aide, nous devons en avoir une conscience aigüe, quelle que soit notre fonction. Comme le disait notre confrère français Maurice Abiven, « l’hôpital pour les médecins c’est la médecine, pour les malades, c’est la maladie ».
Le développement ces 50 dernières années d’une médecine toujours plus technique, soumise aussi à la loi du marché et aux réglementations diverses, a permis des avancées spectaculaires qu’il n’est pas question de renier. Mais, toute porteuse de progrès qu’elle soit, la surspécialisation a fragmenté les soins, les rendant parfois inintelligibles pour le patient. Elle a aussi compliqué la communication entre soignants. En focalisant les soins sur l’organe au dépend de la personne, elle conduit, si nous n’y prenons garde, à une déshumanisation progressive de nos actions, qui risque d’en annihiler le bénéfice.
Le CHUV, comme d’autres hôpitaux, porte une attention particulière depuis plusieurs années à ce problème, en travaillant sur la qualité de la relation et de la communication, non seulement avec les patients et leurs proches, mais également entre les professionnels. Cette attention s’est traduite par le slogan de notre Plan stratégique, « Science et humanité », et par la sélection de nos valeurs. Or, ces dernières n’ont de sens que si elles dépassent la théorie. Toute la difficulté réside dans la capacité de les traduire en actions et en comportements concrets, intelligibles par chacun. En bref, de les faire vivre au quotidien malgré toutes les exigences et les pressions inhérentes au fonctionnement d’un hôpital universitaire.
La nécessité d’agir a été objectivée par les témoignages recueillis à l’Espace Patients et Proches, qui démontrent que les maladresses relationnelles, le manque de dialogue avec le patient et ses proches, l’absence d’implication personnelle dans la relation, le manque d’égard et de respect entre professionnels constituent la majorité des doléances. C’est pourquoi nous avons entrepris, dans le cadre d’un vaste travail collectif, de rédiger une charte de comportements attendus de la part chaque personne travaillant au CHUV. Elle fera partie intégrante du contrat de travail et des évaluations, car nous sommes convaincus, comme l’ont bien décrit les philosophes français Jean Lombard et Bernard Vandewalle, que la responsabilité de la promotion d’une médecine humaine dans l’hôpital n’incombe pas qu’aux structures et à l’organisation de l’institution. Elle dépend surtout d’un comportement bienveillant de chacun d’entre nous, individuellement au quotidien. Enfin, une façon bienveillante d’être et d’agir permet non seulement de vivre harmonieusement dans sa communauté, mais aussi de rester digne de sa propre humanité.