Les HPV sont des petits virus nus à ADN double brin strictement épithéliotropes. Environ 40 types d'HPV infectent le tractus anogénital. Les types d'HPV à faible risque induisent des maladies bénignes telles que les verrues génitales (90% causées par HPV6 et 11), alors que les types à haut risque sont associés à une progression maligne (lésions pré-néoplastiques telles que néoplasies intra-épithéliales cervicales, CIN, qui peuvent progresser en cancer). La majorité des adénocarcinomes et des carcinomes du col de l'utérus et des cancers des cellules squameuses (SCC) de la vulve, du vagin, du pénis et de l'anus sont causés par le HPV-16 et HPV-18, qui représentent ensemble 70% des cas. Les 30% restants sont associés à d'autres types d'HPV à haut risque tels que HPV-31, -33, -35, -39, -45, -51, -52, -58 ...
Fonctions des gènes viraux
Le génome d'HPV code pour des protéines précoces régulant l'expression de gènes viraux à fonctions régulatrices (E1, E2) et transformantes (E6 et E7) et des protéines tradives constituant la la capside virale (L1 et L2). E1 et E2 sont exprimés dans les cellules basales de l'épithélium et facilitent la réplication et le maintien de l'ADN viral en tant qu'épisome dans le noyau des cellules infectées. E6 et E7 sont exprimées dans des cellules suprabasales capables de se diviser. La synthèse exponentielle de l'ADN viral et la production des protéines de la capside ont lieu dans les couches supérieures de l'épithélium infecté. L'assemblage du virion se produit seulement dans les couches squameuses, et les virions matures sont libérés avec les squames de kératine.
Dans les cas de cancer, E6 et E7 sont exprimés dans l'ensemble de l'épithélium infecté et aucun virion n'est produit.
Le gène L1 porte une région conservée, représentée ici flanquée par les sites des amorces de PCR MY09 et MY11. Cette région est ciblée par des PCR visant à identifier les HPV dans des échantillons cliniques. Pour les cas de cancer établis, des tests ciblant la région E6/E7 peuvent être préférés car elle est toujours présente dans les tumeurs malignes (voir ci-dessous).
La production d'HPV est liée au programme de différenciation des kératinocytes. Dans les condylomes, les papillomes et les dysplasies légères à modérées, l'ADN viral est épisomique et la production de virions peut être observée dans les couches les plus supérieures de l'épithélium infecté. Dans les dysplasies de haut grade et les lésions cancéreuses, l'ADN viral est intégré dans les chromosomes des cellules hôtes. L'intégration est aléatoire dans les chromosomes cellulaires mais se produit fréquemment dans la région précoce de l'ADN viral, perturbant le cadre de lecture ouvert E2 avec une expression dérégulée concomitante des oncoprotéines virales E6 et E7. La protéine E7 induit la prolifération cellulaire et perturbe la régulation du cycle cellulaire par inactivation des protéines de la famille du rétinoblastome, tandis qu'E6 des virus à haut risque bloque l'apoptose cellulaire en induisant la dégradation de p53 (suppresseur de tumeur). E7 et E6 sont les seules protéines d'HPV qui sont systématiquement exprimées dans les cancers du col de l'utérus. Elles représentent donc les principaux antigènes tumoraux ciblés par l'immunothérapie. Les cellules cancéreuses HPV-positives sont non permissives pour la production de virus. Elles expriment des marqueurs de prolifération cellulaire et présentent des réarrangements chromosomiques.
Le développement d'une lésion cancéreuse est un processus rare et lent associé à une infection persistante du même HPV à haut risque, impliquant plusieurs étapes sur une durée de 10-15 ans voire plus; lésions dysplasiques légères (LSIL) à modérées, suivies de lésions intraépithéliales squameuses de haut grade (HSIL) et finalement d'un cancer (CIS, SCC). La prévention du cancer du col de l'utérus tire parti de cette lenteur en identifiant les femmes porteuse de lésions prémonitoires qui peuvent être traitées avant qu'elles ne progressent en cancer. Cette prévention requiert cependant la participation des femmes au dépistage régulier, qui nécessite l'examen des cellules du col utérin à l'aide de tests cytologiques et/ou virologiques ou une combinaison des deux.
Les vaccins prophylactiques contre HPV visent à obtenir des anticorps neutralisants qui préviennent l'infection de sujets naïfs, tandis que les vaccins thérapeutiques visent à induire des réponses immunitaires à médiation cellulaire pour éliminer les cellules tumorales infectées par HPV chez des patients déjà infectés.
Étant donné l'infection répandue d'HPV et le manque d'agents antiviraux contre HPV, le développement de vaccins prophylactiques est une stratégie qui a longtemps été recherchée pour prévenir le cancer du col de l'utérus. Il a été démontré que la protéine majeure de la capside des papillomavirus, L1, a la capacité de s'auto-assembler en pseudoparticules virales (VLP). Ces VLP ressemblent au virion HPV mais sont dépourvues de matériel génétique. Elles peuvent être produites dans des cellules d'insectes infectées par un baculovirus recombinant, dans des levures ou dans d'autres systèmes cellulaires. Elles induisent des titres élevés d'anticorps neutralisant le virus même en l'absence d'un adjuvant. Dans des études précliniques, la vaccination des animaux s'est traduite par une excellente protection contre une infection virale homologue, et le transfert passif d'anticorps des animaux vaccinés a également conféré une protection, confirmant l'importance des anticorps neutralisants.
Deux vaccins prophylactiques majeurs ont été mis au point, l'un par GlaxoSmithKline (Cervarix®) contenant des VLP d'HPV-16 et -18 et un par Merck (Gardasil®) contenant des VLP d'HPV-16, -18, -6 et -11. Ces vaccins sont administrés par injection intramusculaire (3 doses à 0, 1-2 et 6 mois) et induisent des anticorps neutralisant de manière spécifique chacun des virus représentés. Des essais d'efficacité récents ont montré que ces vaccins prophylactiques peuvent prévenir les infections persistantes d'une manière type-spécifique ainsi que les lésions qui leurs sont associées.
Un défi majeur réside désormais dans la mise en œuvre à l'échelle mondiale de ces vaccins, en particulier dans les pays en développement, qui représentent plus des trois quarts des cas mondiaux de cancer du col de l'utérus.