Une nouvelle approche thérapeutique contre la maladie cœliaque

Publié par Grand Clementine le 20.03.2025
L'équipe du Pr Yannick Muller du Service d’immunologie et allergie, et du Centre d’immunologie humaine CHUV-UNIL, a développé une méthode de thérapie cellulaire, encore expérimentale, qui vise à restaurer la tolérance au gluten.

La maladie cœliaque, ou entéropathie au gluten, est une maladie auto-immune qui touche près d’une personne sur 300 et peut se manifester déjà durant l’enfance. Aucun traitement n’est disponible. Seul un régime d’éviction strict du gluten est efficace, ce qui est contraignant, coûteux, et surtout associé à un isolement social et un stress psychologique important : « Le gluten, qu’on trouve principalement dans le blé, est absolument partout », souligne Yannick Muller, professeur assistant à la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL et médecin adjoint au sein du Service d’immunologie et allergie du CHUV. Dans le cadre du Centre d’immunologie humaine (CHIL) , avec son équipe du « Muller Lab », il travaille à une méthode innovante qui utilise nos cellules par le biais d’une thérapie cellulaire ciblant la maladie cœliaque. Les résultats de ces travaux, dont le premier auteur est Raphaël Porret, MD-PhD et médecin de formation, ont fait la couverture de Science Translational Medicine , édition du 19 mars 2025.

Le coupable, dans la maladie cœliaque est le gluten, qu'on retrouve dans le blé, le seigle et l’orge. La digestion de ce dernier peut provoquer une réaction immune exacerbée chez les patient·es qui ont une prédisposition génétique, répondant aux doux noms de « HLA-DQ2 » et « HLA-DQ8 ». « Les HLA sont les gènes les plus polymorphiques du génome, souligne Yannick Muller. Ils permettent de différencier le soi du non-soi (bactéries, virus par exemple) ». Le HLA-DQ2, présent chez plus de 90% des malades cœliaques, a la fâcheuse tendance à « présenter » très efficacement certains peptides dérivés du gluten ; autrement dit, il prend ces peptides pour des agresseurs, ce qui déclenche une réponse immune qui s’attaque à l’intestin grêle : celui-ci va progressivement s’atrophier et ne plus absorber correctement les aliments dont le corps a besoin.   

Le groupe de recherche lausannois a opté pour une approche pointue, en mobilisant un agent clé du système immunitaire, les lymphocytes T régulateurs, dits « Tregs » : il s’agit d’un genre de « police des polices », qui régule la prolifération des lymphocytes T auto-réactifs qui auraient échappé à l’éducation thymique, autrement dit à l’apprentissage de la discrimination entre le soi et le non-soi. Les Tregs jouent un rôle majeur dans la tolérance immunitaire y compris intestinale, afin d’éviter que le corps réagisse à chaque aliment ingéré qui est, par définition, du non-soi.

« Ces cellules Tregs sont déjà utilisées dans diverses approches expérimentales et cliniques, dans le contexte des maladies auto-immunes ou de la médecine de la transplantation, relève Yannick Muller. Dans le cas présent, notre approche consistait à créer une armée de cellules Tregs, modifiées génétiquement avec des ciseaux moléculaires CRISPR et ainsi « entraînées » à reconnaître les peptides dérivés du gluten pour ce qu’ils sont : tout sauf une menace. » Dès lors, ces Tregs modifiées vont entrer en compétition avec les cellules T pathogéniques et supprimer leur capacité de nuisance. « Nous voyons ici une application que nous allons essayer de développer, ces prochaines années, dans le cadre d’un essai clinique, explique Yannick Muller. Notre objectif, ambitieux, est de rendre une vie normale aux personnes souffrant de la maladie cœliaque. »

Par Nicolas Berlie, communication FBM

 Dernière mise à jour le 25/03/2025 à 18:10