Un homme exceptionnel, Matthias Mayor (1775-1847), premier chirurgien de l’Hospice cantonal, a joué un rôle déterminant dans ce contexte. Figure originale, il a été un véritable réformateur qui a innové et vulgarisé la pratique chirurgicale.
Il a renouvelé de nombreux procédés opératoires, proposé l’écharpe à la place des bandes et, très attentif au traitement des plaies, a réhabilité le coton face à la charpie. Il a extirpé les goitres avec son constricteur à chapelet, allégé le traitement des fractures, redressé les gibbosités au moyen du tourniquet, combattu le rétrécissement de l’urètre par des sondes de son invention, confectionné des attelles et gouttières en fil de fer étamé, généralisé les bains locaux à l’aide de vases en fer blanc ou de toiles imperméabilisées.
Membre du Conseil de santé, secrétaire de la Société vaudoise des sciences médicales – qui deviendra la Société vaudoise de médecine -, député, il était également professeur honoraire à l’Académie.
Points marquants
Le second personnage ayant contribué de manière essentielle au développement de sa discipline est César Roux (1857-1934), élève et disciple de Théodore Kocher, premier professeur de chirurgie de l’Université de Lausanne (1890-1926).
Né à Mont-la-Ville, il a rapidement atteint une popularité sans égale, assortie d’une réputation internationale et d’une ascension sociale fulgurante. Roux a abordé chirurgicalement tous les systèmes accessibles de son temps : les membres, l’appareil moteur et la paroi thoracique, le goitre et même l’urologie et la gynécologie. Mais c’est à la chirurgie abdominale qu’il a le plus largement contribué. Il a promu l’appendicectomie en Europe avec son disciple Krafft, a inventé la gastro-entérostomie en Y et a réalisé une œsophago-jéjuno-gastrostomose permettant de reconstruire au moyen d’un segment jéjunal l’œsophage d’un patient de 12 ans brûlé à la soude caustique.
Chirurgien-chef à 30 ans, Roux a consacré 39 années à son service de l’Hôpital cantonal, a enseigné 36 ans à la Faculté et possèdait une importante clinique privée, suivant l’usage à l’époque. Il a été reçu docteur honoris causa de l’Université de Paris en même temps qu’Albert Einstein (1929). Vénéré en Pays de Vaud, ses obsèques avaient dimension de funérailles nationales.
Les opérations de César Roux
Points marquants
« On n’opérera jamais trop tôt, et si l’on trouve un appendice sain, la petite cicatrice ne sera pas un grand malheur ».
Henri Vulliet (1869-1932) a succédé en 1926 à César Roux dont il fut le chef de clinique. S’étant établi comme chirurgien à Lausanne en 1897, il a été nommé médecin-chef de l’Hospice de l’enfance en 1910.
En 1913, il est devenu professeur de médecine des accidents. A 57 ans, ce chirurgien possédait une expérience professionnelle étendue lorsqu’il a remplacé son maître en tant que professeur et chef de la clinique chirurgicale. Son activité à ce titre a toutefois été brève, puisqu’il meurt en fonction six ans plus tard.
Points marquants
Disciple de César Roux dont il fut le chef de clinique de 1922 à 1925, Pierre Decker succède à Henri Vulliet en 1932. Tempérament fort, témoin et acteur du prodigieux développement de la chirurgie dans les années 1940 sous l’impulsion scandinave et anglo-saxonne, il incarne la transition du règne du «demi-dieu en blanc» à celui des sciences de base en salle d’opération. Professeur de clinique chirurgicale et chef du service de chirurgie à l’Hôpital cantonal (1932-1957), il érigea la réalisation du nouveau bloc opératoire (1949).
Doyen de la faculté de médecine (1946-1948), responsable du pavillon de la santé à l’Exposition nationale de 1964, amateur d’art avisé, Pierre Decker constitua dès 1946 une remarquable collection d’estampes parmi lesquelles figurent des œuvres de Cranach, Dürer et Rembrandt. Léguée à la Faculté de médecine, elle est déposée depuis 1988 au Cabinet cantonal des estampes à Vevey, auprès de celle de son mentor William Cuendet.
Points marquants :
Ses études de médecine achevées à Genève, Frédéric Saegesser effectue sa formation post-graduée dans cette même ville, ainsi qu’à Lausanne et à l’étranger. Il reprend en 1957 le service monolithique de son maître et prédécesseur Pierre Decker. L’explosion des savoirs et des techniques le pousse très rapidement à la dissolution de celui-ci au profit d’unités spécialisées indépendantes : outre la chirurgie générale, la neurochirurgie (1969), la chirurgie pédiatrique (1971), l’orthopédie et la traumatologie de l’appareil moteur (1978), la chirurgie plastique et reconstructive (1981), la chirurgie cardio-vasculaire (1983), l’urologie (1983) et une division de chirurgie expérimentale (1964).
La chirurgie générale est encore subdivisée au début des années septantes en service A (Prof. Frédéric Saegesser) et B (Prof. Roger Mosimann). Brillant opérateur, Frédéric Saegesser est à l’aise aussi bien en chirurgie thoracique qu’abdominale.
Ses intérêts sont variés, avec une dimension particulière pour les affections ischémiques et les maladies inflammatoires du tube digestif. Il publie deux ouvrages d’envergure qui marquent leur temps. Le premier, pluridisciplinaire, consacré à l’Oncologie chirurgicale avec son collègue Jacques Pettavel. Le second, avec son élève et médecin-cadre Augustin Besson (A Colour Atlas of Chest Trauma and Associated Injuries), représente un must en la matière. Au-delà de sa retraite, en 1989, le professeur Saegesser consacre encore un essai biographique et historique au père de la chirurgie lausannoise, intitulé «César Roux, son époque et la nôtre».
Au départ de Frédéric Saegesser en 1986, le Professeur Germain Chapuis (1931), jusqu’alors médecin-chef à l’Hôpital de Morges, lui succède. En 1990, lorsque le Professeur Roger Mosimann (1920-2005) se retire, les services A et B sont réunis sous la direction unique du Prof. Chapuis. Le Professeur Michel Gillet (1938) assumera de 1996 à 2003 la direction du Service de chirurgie qui deviendra «Service de chirurgie viscérale» lorsque la chirurgie thoracique et vasculaire (Prof. Hans-Beat Ris) et de la transplantation (Prof. Manuel Pascual) deviendront chacune un service indépendant.
Points marquants