Immersion
Au laboratoire, les lymphocytes T prélevés dans la tumeur du patient sont cultivés. Ils sont immergés dans un milieu de culture composé notamment de nutriments et de protéines, qui agit comme un engrais. En près d’un mois, ils peuvent atteindre jusqu’à 100 milliards et sont rendus plus performants. Rencontre avec Clément Murgues, superviseur de production au Centre de thérapies expérimentales.
Une fois prélevée au patient et cryopréservée par la biobanque du Département d’oncologie, c’est au Biopôle à Epalinges, que la tumeur est traitée par l’équipe de production cellulaire du Centre de thérapies expérimentales du CHUV. C’est le début d’une étape cruciale : la culture en laboratoire, qui devra permettre de multiplier par milliards les précieux lymphocytes T.
« L’échantillon peut en principe être traité tout de suite, mais en général il est cryo-préservé – congelé - avec une solution qui optimise sa conservation, détaille Clément Murgues, superviseur de production. Cela permet d’effectuer différentes analyses, notamment la nature de la tumeur, sa stérilité et la présence de lymphocytes à l’intérieur. »
Clément Murgues et ses collègues œuvrent dans un univers de précision, où chaque détail compte. Le jour de notre visite, tout est propre, rangé, prêt à être manipulé le lendemain matin.
« Il y a beaucoup de procédures et un suivi qualité qui permet de garantir la sécurité du produit que nous fabriquons. Pour s’assurer qu’aucune contamination ne vienne entraver la qualité du produit destiné au patient »
En amont de la mise en culture, au sein du même laboratoire, des cellules présentatrices d’antigènes (CPA) propres au patient seront cultivées et optimisées afin d’aider les « bons » lymphocytes à se multiplier lors de la culture en présence de peptides synthétiques issu de la tumeur d’origine. Ces « bons » lymphocytes correspondent aux cellules T spécifiques à la tumeur.
Une fois une série de contrôles effectués, le processus peut commencer.
« Nous amenons toujours la poche nous-mêmes jusqu’au bâtiment hospitalier. C’est un moment important », commente Clément Murgues.
« Tout au long du processus, nous sommes en contacts réguliers avec l’équipe médico-soignante. 7 jours avant la date théorique de réinfusion, nous leur donnons notre feu vert quant au nombre de cellules produites »
« De leur côté, ils nous tiennent au courant de l’état du patient. Nous essayons d’agender la production afin que la réinfusion ait lieu dans de bonnes conditions pour le patient ».
L’étape de la culture peut se heurter à des difficultés, car chaque tumeur est unique. Il est impossible de prévoir le rythme de croissance des lymphocytes ni la vivacité de leur réaction. Et parfois, la maladie a évolué trop vite et il n’est malheureusement plus possible de traiter le patient.
Un travail de laboratoire peut sembler distant et éloigné de l’humain. Pas pour Clément Murgues et son équipe. « L’environnement hospitalier est complexe, mais c’est gratifiant de fabriquer un produit thérapeutique sur mesure, pour une personne atteinte dans sa santé ».
Texte: Amélie Kittel