Chaque année, les professionnels de l’Unité d’épileptologie / sommeil du Service de neurologie du CHUV suivent environ 500 patients qui vivent avec une épilepsie. Pourtant, les symptômes de cette affection qui touche près de 1% de la population suisse impressionnent encore, et les personnes qui en sont atteintes sont trop souvent tenues à l’écart.
Afin de démystifier cette pathologie, nous avons posé quatre questions au Dr Andrea Rossetti, responsable de l’unité.
L’épilepsie n’est pas une maladie, mais un trouble neurologique caractérisé par des crises qui se répètent et durent en général de quelques secondes à quelques minutes. Je dis au patient que les crises sont comme des courts-circuits électriques survenant dans l’écorce cérébrale: elles se manifestent lorsque certaines cellules du cerveau, les neurones, produisent soudainement une décharge électrique anormale.
Selon la partie du cerveau touchée, elles sont très différentes. Elles peuvent provoquer des convulsions, des secousses musculaires, des hallucinations, ou passer presque inaperçues et se manifester par de brèves pertes de contact.
Tout au long des siècles, l’épilepsie a particulièrement frappé l’imaginaire de par ses crises soudaines et spectaculaires, et nous avons hérité de la croyance qu’elles ont pour origine une cause occulte. De plus, étant imprévisibles, elles sont souvent perçues de manière angoissante par le patient et son entourage. C’est pourquoi je pense qu’il est nécessaire de démystifier l’épilepsie dès la première consultation. Et lorsqu’un patient me dit: «Je suis épileptique», je le reprends toujours: «Non, vous n’êtes pas épileptique, vous avez ou vous vivez avec une épilepsie, comme avec une autre problématique de santé: on vit avec une arthrose de la hanche, on n’est pas arthrosique de la hanche!».
L’épilepsie peut apparaître à n’importe quel âge. Les nourrissons et les jeunes enfants sont plus susceptibles d’en souffrir suite à des anomalies génétiques, des lésions cérébrales survenues au cours du développement fœtal ou à des traumatismes, par exemple le manque d’oxygène durant l’accouchement. Chez certains enfants, les crises peuvent d’ailleurs disparaître à l’âge adulte.
Chez les personnes âgées de 15 à 50 ans environ, les causes principales sont les traumatismes crâniens, les infections touchant le cerveau (méningite, encéphalite), l’intoxication due à l’abus de certaines substances ou le sevrage d’alcool. Plus le patient est âgé, plus il y a de chances que la cause soit une maladie cérébrale comme des accidents vasculaires cérébraux ou les tumeurs au cerveau. Mais tous les patients atteints d’une même maladie du cerveau ne souffriront pas forcément d'épilepsie.
Notre unité est spécialisée dans le diagnostic et le traitement de l’épilepsie. Après l’observation du patient, des examens particuliers sont nécessaires pour mieux comprendre les crises. Le plus important est l’électroencéphalogramme (EEG), qui nous permet d’analyser l’activité électrique du cerveau des patients de tout âge. On peut ainsi localiser le «court-circuit», identifier le type de crise et déterminer le traitement adéquat.
S’il n’est pas possible de traiter la cause responsable de l’épilepsie, nous disposons alors d’une palette de plus de vingt médicaments pour des traitements personnalisés, qui visent à supprimer les crises ou à en diminuer leur fréquence et leur gravité. Mais ils ne sont malheureusement pas efficaces pour un tiers des patients. Dans un certain nombre de cas, une intervention neurochirurgicale peut alors être envisagée, ou bien nous offrons d’autres approches, qu’on appelle palliatives, qui se basent sur la stimulation électrique cérébrale.
Nous proposons également un suivi qui prend en compte les répercussions psycho-sociales de l’épilepsie, celles-ci étant variables d’un patient à un autre, en collaboration avec l’Institution de Lavigny. Si un patient souffre d’un handicap lié à son épilepsie, nous demandons des prestations à l’assurance invalidité (AI), ou si nous percevons qu’un patient ne se porte pas bien, nous lui proposons différentes aides, tel qu’un entretien avec un psychothérapeute: une personne qui souffre de crises non contrôlées a jusqu’à 20 fois plus de risques d’envisager un suicide.
Notre but est que nos patients mènent la vie la plus normale possible, tout en tenant compte bien sûr de certains risques. On va déconseiller à un patient qui a des crises récurrentes d’aller nager ou de faire de la plongée. Mais si ses crises sont contrôlées, on va au contraire l’encourager à pratiquer un sport, et on a même remarqué que cela diminue leur récurrence; de même, il est tout à fait envisageable de conduire un véhicule, comme d’avoir des enfants. Il ne faut pas oublier qu’on peut avoir de l’épilepsie et exercer une activité professionnelle, ou encore mener une vie très active et stimulante, comme Fyodor Dostoïevski, Jules César ou encore Alexandre le Grand!