Actifs dans les coulisses, les laboratoires du CHUV jouent un rôle primordial dans la prise en charge des patient-e-s. Dans ce troisième épisode, nous partons à la découverte du laboratoire de diagnostic du Service d’immunologie et allergie avec son co-directeur, le Pr Matthieu Perreau. Interview.
Pr Matthieu Perreau, pouvez-vous nous décrire en quelques mots le rôle de l’immunologie et l’allergologie, en tant que disciplines biomédicales ?
Pour faire simple, il s’agit de disciplines spécialisées dans la prise en charge de l’évaluation du système immunitaire. De ce fait, c’est un domaine qui est extrêmement large et qui requiert une combinaison de nombreuses expertises, aussi bien au niveau technique que scientifique.
Quels sont concrètement les domaines d'activité de votre laboratoire?
Nos activités sont réparties dans une dizaine de domaines, à savoir, l’auto-immunité, les allergies, l’inflammation, le système du complément, la transplantation d’organes, l’immunodéficience, le dépistage et le suivi du VIH et des hépatites virales, la caractérisation et le suivi des gammapathies (production anormale d’un certain type d’anticorps, ndlr), les médicaments biologiques, la vaccinologie ainsi que l’analyse du système immunitaire (réponses cellulaires, production de cytokines). En termes de volume, cela représente 70'000 demandes d’analyses et 730'000 résultats rendus par année. Ces demandes proviennent du CHUV bien entendu, mais une grande part d'entre elles émanent également d’autres hôpitaux, cliniques, laboratoires, etc.
Comment est organisé le laboratoire ?
Le laboratoire comporte 3 unités et une plateforme technique. Deux unités sont situées au 19e étage du bâtiment hospitalier. Il s’agit des unités HHG, pour hépatites virales, hiv et gammapathies, et TAMA, pour transplantation, auto-immunité, médicaments et allergies. La seconde partie de l’équipe se trouve au Centre des laboratoires d’Epalinges. Elle est répartie entre l’unité VIC, pour vaccination et immunité cellulaire, et notre plateforme technique de cytométrie de masse. Au total, le laboratoire compte un peu plus de 30 personnes.
« Les techniciens et les experts scientifiques sont co-responsables des analyses réalisées dans nos laboratoires. C'est un travail d'équipe. »
Quels sont les métiers qui composent les laboratoires ?
Nos équipes sont principalement composées de technicien-ne-s en analyses biomédicales (TAB) et d’expert-e-s scientifiques, à savoir des biologistes ou des médecins. C’est réellement un travail d’équipe et j’insiste sur ce point. Si les technicien-ne-s ont la responsabilité de réaliser une analyse et de valider son résultat selon un certain nombre de critères techniques, les expert-e-s scientifiques ont la responsabilité de valider ces résultats d’un point de vue biomédical. Est-ce que les résultats sont compatibles avec les autres analyses réalisées sur le même prélèvement ou celles réalisées par le passé ? Est-ce que ces résultats sont compatibles avec les motivations cliniques et les renseignements qui nous ont été fournis par le médecin prescripteur ? C’est à ce type de questions que doivent répondre les expert-e-s scientifiques. La collaboration entre ces deux corps de métier est primordiale pour la réalisation des analyses, leur validation et leur interprétation.
Vos équipes assurent également plusieurs services de piquet. Pouvez-vous nous en dire un peu plus?
Notre laboratoire propose en effet deux lignes de piquets distinctes pour réaliser des analyses qui doivent être faites en urgence. Le premier domaine concerne l’évaluation du risque infectieux, soit principalement des tests sérologiques et moléculaires qui concernent les virus de l’hépatite B ou C ainsi que le VIH. Cela concerne principalement un-e patient-e au CHUV ou dans un autre hôpital, ou encore un-e collaborateur-trice, à la suite d’un accident à exposition au sang par exemple. Nous faisons également des analyses en virologie d’urgence pour les donneurs d’organe.
L’apport des laboratoires dans le domaine de la transplantation est en effet moins connu, mais il n’en demeure pas moins essentiel.
Oui et c’est pourquoi nous avons une seconde ligne de piquet entièrement dédiée à ce domaine. Nous travaillons en étroite collaboration avec le centre de transplantation d’organes et réalisons en urgence des tests de compatibilité entre les donneurs d’organe(s) et les receveurs. Nous réalisons par exemple une typisation HLA (identification des antigènes caractéristiques d'un individu, ndlr) du donneur ainsi que des analyses qui visent à évaluer chez les receveurs la présence d’anticorps potentiellement impliqués dans le rejet de l’organe. C’est un service que nous proposons 24h sur 24 et 7 jours sur 7.
Votre laboratoire développe régulièrement de nouvelles analyses. Certains tests nouvellement introduits sont entièrement conçus en interne. C’est une nécessité ?
C’est en tout cas une nécessité lorsqu’il n’existe pas sur le marché de tests commercialisés qui sont aptes à répondre à telle ou telle question clinique importante. En tant qu’hôpital universitaire, nous avons les compétences pour développer des tests dans des domaines laissés de côté par l’industrie, notamment pour des raisons de coûts, de rentabilité, mais également pour des raisons de complexité ou de temporalité. Quelquefois nous devons aller très vite ! Au sein du Service d’immunologie et allergie, nous avons la chance d’avoir une activité de recherche transversale extrêmement active sur laquelle nous pouvons nous appuyer. Nous l’avons fait dans de nombreux domaines comme l’immunodéficience, l’inflammation, l’immunomonitoring ou lors du COVID par exemple.
« Grâce aux synergies avec les équipes de recherche, nous avons les capacités de développer des tests diagnostiques qui ne sont pas disponibles sur le marché. »
Outre le diagnostic, vos laboratoires contribuent aussi à de nombreuses études cliniques. Pouvez-vous nous donner quelques exemples ?
Comme tous les laboratoires hospitaliers, nous offrons la possibilité à nos collègues cliniciens ou chercheurs d’effectuer des analyses dans le cadre de nombreuses études cliniques. Pour certaines, nous sommes également partie prenante. L’unité VIC et la plateforme technique de cytométrie de masse sont particulièrement actives dans ce domaine. Elles collaborent étroitement avec le Centre d’immunothérapie et de vaccinologie, fondé par le Pr Giuseppe Pantaleo et actuellement sous la direction du Pr Fabio Candotti. Dans ce cadre, elles ont participé à de multiples études vaccinales portant sur différentes thématiques, notamment la malaria, la tuberculose, l'hépatite C, la grippe, le VIH, le SARS-CoV-2 ou dans le domaine de l’immunotoxicité.
Quels sont les projets de développement du laboratoire de diagnostic du Service d’immunologie et allergie?
Ils sont actuellement très nombreux. Je ne peux malheureusement pas tout détailler ici, mais je vous donnerais plusieurs exemples de projets en cours qui concernent les domaines de l’immunotoxicité et de la transplantation. Comme vous le savez, l’immunothérapie révolutionne la prise en charge de plus en plus de pathologies comme le cancer. Le revers de la médaille de ces immunothérapies, c’est qu’elles peuvent entrainer des effets indésirables au niveau du système immunitaire appelés « immunotoxicité ». Il est par conséquent essentiel de pouvoir nous adapter rapidement et proposer des tests permettant d’évaluer ces effets. À ce titre, nous collaborons étroitement avec le Centre des toxicités en immuno-oncologie de Lausanne (LCIT) pour implémenter de nouveaux tests d'immuno-monitoring ou de marqueurs inflammatoires, notamment.
« Nous devons constamment nous adapter afin d’être en mesure de proposer des tests toujours plus sensibles et plus rapides qui aident les cliniciens à prendre les meilleures décisions. »
Le domaine de la transplantation est également extrêmement actif. Nous devons constamment nous adapter afin d’être en mesure de proposer des tests toujours plus sensibles et plus rapides afin d’aider les cliniciens à prendre les meilleures décisions. Par ailleurs, il est également essentiel de proposer des tests qui amélioreront l’évaluation du suivi des patients après la greffe afin de limiter les risques de rejet. Enfin, il y a l’optimisation permanente des tests déjà proposés ! C’est un peu un travail de l’ombre, mais c’est essentiel. L’optimisation, c’est travailler à avoir une meilleure sensibilité, une meilleure fiabilité, une meilleure traçabilité, un meilleur délai dans le rendu du résultat, etc. De manière générale, le développement prend une place extrêmement importante au laboratoire d’immunologie et allergie.
Propos recueillis par Franco Genovese
Photos: © Gabriel Monnet