La chirurgie reconstructive représente 80% de nos activités. Mais en quoi consiste cette discipline? Réponses avec le Pr. Wassim Raffoul, chef de notre service.
Comment définissez-vous la chirurgie reconstructive?
Le domaine de la chirurgie reconstructive est très étendu, car elle vise à recréer des tissus (peau, muscles, nerfs, os, etc.) gravement abîmés suite à un accident ou à une maladie, à corriger des malformations, ou encore à rétablir une fonction, par exemple de la main.
On peut imaginer que votre domaine vous amène à intervenir dans des situations très variées...
C’est le moins que l’on puisse dire! Nos patients peuvent être des personnes ayant subi un accident de la route, avec de nombreuses fractures ouvertes, des femmes atteintes d’un cancer du sein ou encore des grands brûlés qui nécessitent des greffes de peau cultivée en laboratoire. Dans toutes ces situations, le travail en partenariat avec la quasi-totalité des services de l’hôpital est essentiel.
Par exemple?
Je vous ai parlé des fractures ouvertes. Dans ces cas-là, nous travaillons avec les chirurgiens orthopédistes, avec qui nous utilisons la technique dite des «lambeaux libres»: nous déplaçons des tissus de peau d’une partie du corps saine vers l’endroit où un os est à nu, par exemple. Toute la difficulté consiste alors à suturer au microscope les artères et les veines pour que les tissus restent vivants. Autre exemple avec le cas d’un patient souffrant d’une paralysie du biceps suite à une lésion du nerf: nous pouvons transférer un muscle qui faisait bouger sa jambe dans son coude pour qu’il retrouve la capacité de le plier.
Comme des «déménageurs de tissus» en quelque sorte!
Oui, mais pas seulement des tissus: nous pouvons reconstruire le doigt d’un patient en nous servant d’un de ses orteils. Mais au-delà du simple «déménagement» comme vous dites, nous devons parfois entièrement reconstruire: il y a quelques semaines, nous avons opéré un patient qui présentait une grosse tumeur en-dessous l’épaule. Celle-ci avait infiltré les nerfs qui descendent dans le bras et les poumons. Après avoir réussi à l’extraire complètement, nous avons reconstruit plusieurs nerfs, ainsi que des côtes que nous avons recouverts de tissus, au terme d’une intervention qui a duré plus de 12 heures. C’est grâce aux excellentes relations que nous entretenons avec les autres services de l’hôpital, et par la mise en commun de nos compétences, que nous pouvons envisager et réaliser de telles opérations.
Vous éprouvez sûrement une grande satisfaction après de telles interventions?
Le fait que nous puissions obtenir des résultats excellents nous ravit et motive encore davantage nos équipes. Celles-ci s’investissent et se battent aux côtés de nos patients, d’autant plus qu’elles partagent leur quotidien sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Et les patients le ressentent. Nous avons accueilli récemment une jeune femme pour une reconstruction du sein. Etrangère, ne parlant pas français, elle était très angoissée. Elle avait alors demandé un lit dans sa chambre pour que sa soeur puisse dormir à ses côtés. Mais le lendemain, elle m’a dit qu’elle se sentait à l’hôpital comme à la maison et que sa soeur irait dormir à l’hôtel!