Thèse soutenue sous la direction de Hugues Poltier, Faculté des lettres, Université de Lausanne & de Vincent Barras, IHM, CHUV-Unil
Notre thèse est la suivante : Naissance de la clinique. Une archéologie du regard médical de Michel Foucault (1963) est un livre d’épistémologie avant que d’être un livre d’histoire de la médecine. Notre travail aimerait montrer que la critique à laquelle se livre Foucault dans Naissance de la clinique. Une archéologie du regard médical, en même temps qu’elle fait coïncider la structuration des sciences humaines avec la disparition de « l’être de la maladie », au moment de la publication en 1816 de L’examen des doctrines médicales de Broussais, acte de la naissance d’une méthode d’analyse propre aux sciences humaines. Autrement dit, plutôt qu’à un ouvrage d’histoire de la médecine, c’est à une sorte de Discours de la méthode venant boucler « une véritable révolution épistémologique »2 que nous avons affaire. Quant à la révolution dont nous parlons, elle trouve son point de départ au tournant du XXème siècle, au moment de la naissance de l’épistémologie historique en France. Trois noms en marquent la trajectoire : Bachelard, Canguilhem, Foucault3 . En situant donc le terme de cette révolution épistémologique à la publication de Naissance de la clinique en 1963, notre lecture en fait un livre-pivot, c’est-à-dire polémique à tous les sens du terme, axial et conflictuel. Dans l’histoire des idées, la polémique s’entend comme une critique d’un certain ordre, symptomatique d’un appel à un « nouvel esprit méthodique : soit une révolution profonde sur la question du sens »4 . Dans Naissance de la clinique, l’examen critique de la question de méthode est subordonné à l’histoire, et la question peut être ainsi formulée : comment l’homme a-t-il pu devenir objet de science ? Au début des années 1960, en pleine crise de la médecine et à un âge critique pour les sciences humaines, le dessein de Foucault, à travers cette archéologie du regard médical, qu’il présente d’ailleurs comme un essai de méthode en histoire des idées, consiste à mettre au jour la structure complexe qui a permis de concevoir l’« individu » comme sujet et objet de connaissance, donnant à comprendre par là « l’importance de la médecine dans les sciences de l’homme »5 . Mesurant l’écart que marque cette découverte, notre lecture de Naissance de la clinique y voit la définition d’un « nouveau classicisme »6 , dont le mode opératoire différentiel et qualitatif, est caractéristique du style des recherches actuelles en sciences humaines, en un mot : clinique.