Communiqué de presse
Lausanne, 24 mai 2023

Une interface cerveau-machine (BCI) permet à une personne paraplégique de contrôler sa marche par la pensée

Des neuroscientifiques et neurochirurgien-ne-s de l’EPFL/CHUV/UNIL et de CEA/CHUGA/UGA rapportent dans la revue Nature qu’ils ont rétabli la communication entre le cerveau et la moelle épinière avec un pont digital sans fil, permettant à une personne paralysée de remarcher naturellement.

Grâce à une interface digitale sans fil entre le cerveau et la moelle épinière qui transforme la pensée en action, ce patient a retrouvé un contrôle naturel du mouvement de ses jambes paralysées, ce qui lui permet de se tenir debout, marcher, et même monter un escalier. © EPFL | Jimmy Ravier

« Nous avons développé un pont digital sans fil entre le cerveau et la moelle épinière en utilisant la technologie Brain-Computer Interface (BCI) qui transforme la pensée en action », résume Grégoire Courtine, Professeur en neurosciences à l'EPFL, au CHUV, et à l'UNIL. Publié dans la revue Nature, l'article « Walking naturally after spinal cord injury using a brain-spine interface » présente la situation de Gert-Jan, 40 ans, atteint d'une lésion de la moelle épinière au niveau des vertèbres cervicales suite à un accident de vélo qui l'a laissé paraplégique. Grâce au pont digital, il a retrouvé un contrôle naturel du mouvement de ses jambes paralysées, ce qui lui permet de se tenir debout, marcher, et même monter un escalier. Gert-Jan explique avoir retrouvé le plaisir de pouvoir partager une bière, accoudé au comptoir d'un bar avec des amis : « Ce plaisir tout simple représente un changement important dans ma vie ».

Un pont digital composé de deux implants électroniques : l’un sur le cerveau, l’autre sur la moelle épinière
Pour établir ce pont digital, deux types d’implants électroniques sont nécessaires. « Nous avons implanté des dispositifs WIMAGINE® au-dessus de la région du cerveau qui est responsable des mouvements des jambes, explique la neurochirurgienne Jocelyne Bloch, Professeure au CHUV, à l’UNIL et à l’EPFL. Ce dispositif développé par le CEA permet de décoder les signaux électriques générés par le cerveau lorsque nous pensons à marcher. Parallèlement, un neurostimulateur connecté à un champ d’électrodes a été positionné sur la région de la moelle épinière qui contrôle le mouvement des jambes. »

Guillaume Charvet, responsable du programme BCI au CEA, ajoute : « Grâce à des algorithmes basés sur des méthodes d’intelligence artificielle adaptatives, les intentions de mouvement sont ainsi décodées en temps réel à partir des enregistrements du cerveau ». Ces intentions sont ensuite converties en séquences de stimulation électrique de la moelle épinière, qui à leur tour activent les muscles des jambes pour réaliser le mouvement désiré. Ce pont digital opère en mode sans fil, permettant ainsi au patient de se déplacer en toute autonomie.

Récupération des fonctions neurologiques en plus du contrôle du mouvement des jambes
En s’entrainant assidument à marcher à l’aide de son pont digital, Gert-Jan a progressivement récupéré des fonctions neurologiques qu’il avait perdues depuis son accident. Les chercheuses et les chercheurs ont ainsi pu quantifier des améliorations remarquables de ses capacités sensorielles et motrices, même lorsque le pont digital était désactivé. Cette réparation digitale de la moelle épinière laisse présager que des nouvelles connections nerveuses se sont formées.

A ce stade, le pont digital a uniquement été utilisé pour améliorer la marche d’une personne paraplégique. Jocelyne Bloch et Grégoire Courtine expliquent que, dans l’avenir, une stratégie identique pourrait être utilisée pour restaurer la fonction des bras et des mains. Ils ajoutent que le pont digital pourrait aussi s’appliquer à d’autres indications cliniques, telle que la paralysie provoquée par un accident vasculaire cérébral. La compagnie ONWARD Medical en collaboration avec l’EPFL et le CEA a reçu le soutien de la commission Européenne par l’intermédiaire de son Conseil Européen de l’Innovation pour développer une version commerciale du pont digital avec l’objectif de rendre cette technologie disponible à travers le monde.

Contacts et images
Pour tout renseignement médical, un formulaire est disponible sur le site de NeuroRestore
CHUV : medias(at)chuv.ch
EPFL : presse(at)epfl.ch
CEA : presse(at)cea.fr
Kit presse à disposition des journalistes

À propos de .Neurorestore
Dirigée par le neuroscientifique de l'EPFL Grégoire Courtine et la neurochirurgienne du CHUV et de l’UNIL Jocelyne Bloch, .NeuroRestore est une plateforme scientifique romande travaillant sur des approches neurochirurgicales visant au rétablissement des fonctions neurologiques. .NeuroRestore réunit depuis sa création en 2018 des ingénieurs, médecins et chercheurs de l'EPFL, du CHUV, de l'UNIL avec le soutien de la Fondation Defitech et de la SUVA. Cette collaboration doit permettre de poursuivre le développement de neurothérapies afin d’améliorer la récupération des fonctions motrices des patients paraplégiques, tétraplégiques, souffrant de la maladie de Parkinson ou des suites d’un accident vasculaire cérébral (AVC). Des traitements innovants et personnalisés sont testés dans le cadre de protocoles de recherche, puis mis à disposition des hôpitaux et des patients. .NeuroRestore a aussi comme mission de former une nouvelle génération de professionnels de la santé et d’ingénieurs à l’utilisation de ces approches thérapeutique innovantes.

À propos de Clinatec
Clinatec, centre de recherche biomédicale Edmond J. Safra, associe la recherche médicale et l'innovation technologique en un même lieu pour apporter de nouvelles solutions aux patients. L’activité de Clinatec est soutenue par un partenariat entre le CEA (Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives), le CHU de Grenoble Alpes (CHUGA), l'Université Grenoble Alpes (UGA) et le Fonds de Dotation Clinatec. Les missions de Clinatec sont la conception, le développement et la validation clinique de dispositifs médicaux innovants basés sur des besoins médicaux et utilisant des technologies de pointe. Ces missions sont assurées par une équipe multidisciplinaire composée de mathématiciens, physiciens, électroniciens, informaticiens, biologistes, médecins et personnels de santé.

Le CHUV en bref

Le CHUV est l’un des cinq centres hospitaliers universitaires suisses, aux côtés des hôpitaux de Genève, Berne, Bâle et Zurich. Il poursuit trois missions de base confiées par les pouvoirs publics: les soins, la formation et la recherche.

En 2023, grâce à ses 12'675 collaborateurs-trices, le CHUV a accueilli 53'964 patient-e-s hospitalisé-e-s. Le CHUV a traité 79'545 urgences en 2023 et accueilli plus 3'154 naissances. Son budget annuel est de près de 1.9 milliard de francs.

Afin d’assurer la formation des médecins, le CHUV est étroitement lié à la Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne. Il collabore également avec les autres institutions universitaires lémaniques (EPFL, ISREC, Institut Ludwig, Université de Genève), les Hôpitaux universitaires de Genève, ainsi qu’avec d’autres hôpitaux, établissements de soins ou institutions, telles la Fédération des hôpitaux vaudois et la Société vaudoise de médecine.

Depuis 2019, le CHUV figure dans le classement des meilleurs hôpitaux du monde, selon le magazine Newsweek.